UNE PAROISSE FRANCAISE aux ETATS-UNIS.
"L'Aumônier des Forces Aériennes Françaises en Amérique, le Père Pierre Goube, Jésuite, mobilisé en septembre 1939 dans la Radiotélégraphie militaire, envoyé à titre de secrétaire d'Attaché Militaire dans une capitale des Balkans, rentré sur sa demande dans une unité combattante pour prendre part à la bataille de France. Croix de Guerre.
Après l'Armisitice, le Père Pierre Goube est arrêté à son poste de Directeur de l'Institut Catholique de Lille, par la Gestapo, le 21 Janvier 1941. Interné en cellule, à Lille ; en forteresse à Breendonk (Belgique) ; mis aux arrêts de rigueur à l'OFLAG VI de MUNSTER, Westphalie,Allemagne ; condamné par un Conseil de Guerre allemand à BRUXELLES, mis en cellule à la prison Saint-Gilles ; envoyé en camp de concentration à MERXPLAS, près de la frontière hollandaise. S'évade après 16 mois de captivité. Recherché en Afrique du Nord, sous son identité d'emprunt, par la police des Commissions d'Armistice italo-allemande, parvient par la voie des airs à Washington".
En cette période troublée, le réconfort moral et spirituel est aussi important que l'entretien physique pour des hommes loin de leurs racines et de leurs familles.
Le Père Pierre GOUBE a en charge une lourde responsabilité à la mesure de sa personnalité. Son "Message aux Mères Françaises "diffusé sur les antennes de la B.B.C et de la Station d'Alger le soir de Noël 1943 a marqué de son empreinte la mémoire des familles.
La Prière du Pilote. Composée par un Elève-Pilote Français de Tuscaloosa, illustrée par J Noetinger. Hawthorne Field - Célébration d'une messe en plein air. Père Piere Goube, French Chaplain - Cérémonie à Gunter Field (Alabama).
F-MAIL N°3 Décembre 1943 - Message aux mères Françaises.
Radiodiffusé dans la nuit de Noël 1943 (Heure d’Europe occidentale) Poste W.C.B.S de New York, dans les bandes des 16,19,25 & 26 Mètres ; retransmis par la B.B.C de Londres dans les ondes habituelles et par la Station d’Alger dans les bandes des 31, 45 & 255 Mètres.
Combien d’entre vous, Mères Françaises sont depuis des mois séparées de leur fils !. Après une dernière étreinte, ou se dérobant peut-être au contrôle familial, le grand garçon que vous aimiez tant vous a quittées. Engagés dans l’Armée d’Afrique du Nord avant le 8 Novembre 1942, ou évadés de France depuis l’invasion complète de notre territoire, ces fils de France, en grand nombre, ont sollicité leur admission dans une Arme qui doit normalement assurer à leur liberté recouvrée le maximum de rendement : l’AVIATION.
Au départ d’Afrique du Nord, ils ont entendu les officiers Allemands prisonniers qui franchissaient avec eux la passerelle d’embarquement, leur déclarer avec assurance : “ Jamais nous ne parviendrons en Amérique, nos sous-marins nous couleront avant !”.
Or les élèves-aviateurs français débarqués sans encombre sont aujourd’hui à l’entraînement. Il faut les voir lancer leur moteur, vérifier les magnétos, et prendre, en suivant les consignes de piste, leur vol en plein ciel, de jour comme de nuit...allègrement !. Le luxe des moyens de formation mis à la portée des élèves est tel, si étudiées se révèlent les méthodes d’entraînement, qu’après moins de quatre mois, les jeunes Cadets de l’Air sont capables de s’orienter seuls dans la nuit.
Rendez-vous compte, si vous le pouvez, de la joie de vos fils, lorsqu’après l’étouffement de l’occupation ou l’internement dans les geôles allemandes et les camps espagnols, ces garçons de 20 ans retrouvent une pareille liberté d’action !
Dans la demi-clarté de l’aurore, voyez-les rassemblés chaque matin en carré, autour de l’immense mât qui porte, avec la bannière étoilée des Etats-Unis, notre drapeau tricolore.
Suivez-les dans leurs jeux, dans leurs sports. Accompagnez-les dans ces Communautés religieuses françaises, dans ces familles américaines, - françaises, parfois d’origine, mais toujours par le coeur - , qui ont compris que la saine affection d’un foyer accueillant pouvait aider des garçons privés de toute nouvelle des leurs.
Mères françaises, plus que la grisaille des journées qui estompe parfois les souvenirs, certaines fêtes de famille ravivent, intensément, la pensée des absents. En ce 5 ème Noël de guerre,vous mesurez davantage le vide laissé par le départ de votre fils. S’il a de la chance d’être ici, parmi nous, réjouissez-vous de ce que les conditions physiques de son existence sont infiniment supérieures à celles qu’il connaîtrait actuellement en France.
Quant au moral de vos garçons, ne tremblez pas !. Ne vous tourmentez pas !. Bien sûr , il y a parfois des bourrasques de “cafard “. Ce n’est que dans les livres qu’on trouve des perfections ennuyeuses et sans heurt. Mais l’élève-aviateur français en Amérique sait qu’il n’est pas seul .
S’il entre dans la chapelle du camp, il aperçoit, dominant l’autel et surmontée elle-même par le Christ, une grande carte de France . Plus peut-être que bien des images, la contemplation de cette carte de France l’appelle à la prière et à l’énergie.
Dans cette nuit de Noël, les yeux braqués sur le petit coin de terre lointaine, sur Bordeaux ,Lille, Paris, Nantes, votre fils songe intensément à vous .
La vue des pilotes, Mères françaises, est perçante !. Dépassant les contingences, s’accommodant aux plus lointains horizons, le regard des élèves-aviateurs français d’Amérique vous cherche..., vous découvre cette nuit!.
Oui, cette nuit nous vous apercevons, Mères de France cachées derrière les tentures et les volets clos, captant avec amour, à travers le vacarme des “brouilleurs” allemands, quelques lambeaux de nos voix.
Le prêtre qui vous parle a pu un jour, prisonnier lui-même, recevoir dans des circonstances pittoresques l’appel de ces ondes d’Amérique qui vous portent aujourd’hui son message. Il était un peu sceptique alors. “L’AMERIQUE EN GUERRE “, n’était-ce pas après tout, un simple formule de propagande ?. En regard de ces mots et de tant de promesses futures, n’y avait-il pas la prise imminente de Stalingrad ?.
Eh bien non !. Parvenu de ce côté de l’Atlantique, nous pouvons vous dire, Français de la Métropole, que l’ AMERIQUE EN GUERRE, ce n’est pas une plaisanterie et que notre enthousiasme n’est pas en porte-à-faux sur le réel.
Dans cette nuit de Noël, près du berceau de l’Enfant-Dieu qui a vu tomber bien des empires et bien des dictatures, ranimez plus que jamais votre confiance. Loin de trembler pour vos fils, COMPTEZ SUR EUX. .... Vous les avez formés. Mères Françaises, ils ne décevront pas votre amour.
Par le Père Pierre GOUBE.